La COVID-19 a démontré que l’aménagement résilient des villes et la mobilité durable des personnes et des marchandises au sein de ces dernières étaient au coeur des stratégies pour assurer un déconfinement progressif et sécuritaire. La distanciation sociale nous oblige à faire preuve d’innovation, de créativité et de solidarité pour créer une nouvelle normalité dans nos activités quotidiennes.
Dès le mois de mars, nos rythmes de vie et de consommation ont été totalement remis en question. Par exemple, la fermeture des commerces le dimanche a montré qu’une pause de consommation est bénéfique. Nous sommes nombreux à pouvoir faire du télétravail, limitant nos déplacements. Nous avons redécouvert nos commerces locaux et notre vie de quartier. Nous avons appris à vivre à échelle plus réduite.
Nos villes devront être plus agiles et résilientes afin de répondre de manière locale aux besoins essentiels des populations (se nourrir, se loger, travailler, s’éduquer). Cela passe, entre autres, par des mesures épaulant et favorisant la mobilité durable et certaines initiatives connexes ou complémentaires (soutien aux commerces locaux, aménagement urbain, circuits courts d’approvisionnement, agriculture urbaine, etc.)
Chez Jalon, ces questions nous ont bien occupés depuis mars 2020 et elles garderont le haut du pavé encore pour de nombreux mois. Petit tour de la question selon nos cinq domaines d’expertise.
Urbanisme et aménagement des villes
Comme le Rocky Moutain Institute l’a bien résumé, nos villes centrées sur l’auto-solo, faiblement densifiées, ne sont aucunement résilientes en temps de pandémie. Les effets sont nombreux et néfastes sur « l’égalité des chances et la santé des populations ainsi que sur le climat.»
Les routes se sont vidées et les trottoirs se sont remplis; en mars et avril, les ventes de voiture sont tombées à plat, tandis que les vélos se sont vendus comme des petits pains chauds. Repenser l’aménagement des villes pour les rendre plus conviviales et apaisées pour tous devenait primordial. Corridors sanitaires, rues partagées, voies sécuritaires et actives : autant de mots et concepts qui ont fait les manchettes..et créer la polémique!
Partout dans le monde, de nombreuses villes comme Milan, Oakland, Paris, Toronto et New York ont mis en place des aménagements transitoires (aussi nommé urbanisme tactique), afin de rééquilibrer l’usage de l’espace public. Montréal n’est pas en reste avec son Plan de déplacements estival prévoyant la création de 112 km de nouvelles voies piétonnes et cyclables. Si certains aménagements sont temporaires pour le moment, l’usage pourrait bien transformer les plus pertinents d’entre eux de manière permanente.
Et maintenant ?
Dans une entrevue accordée à Radio-Canada, Janette Sadik-Khan, ancienne commissaire aux transports de New York mentionne que « les villes qui profitent de cette crise pour repenser leurs espaces publics seront non seulement celles qui vont s’en remettre, mais ce seront celles qui vont prospérer après la crise. »
À Montréal, où la densité urbaine est plus élevée, les citoyens dépendent davantage des lieux publics comme les parcs. La crise sanitaire et le retour de la belle saison ont permis à certaines personnes de redécouvrir le vélo et la marche comme étant une activité récréative plutôt qu’une fonction utilitaire. Ce contexte s’avère donc favorable pour engager une réflexion plus poussée sur l’espace dédié aux piétons et cyclistes à Montréal et pour évaluer comment certaines interventions urbanistiques pourraient favoriser la mobilité active.
À cet effet, Jalon travaille actuellement sur l’élaboration d’une base de connaissances en piétonnisation, qui lui permettra de comprendre quelles interventions déployées à l’international pourraient inspirer des initiatives montréalaises, tout en étant adaptées au contexte québécois. L’objectif de ces travaux est de transformer les apprentissages et expériences qui proviennent de partout, puis de les calibrer à travers différentes approches mesurables, au service des villes et des citoyens du Québec.
Mobilité active et à échelle humaine
Comme évoqué plus haut, l’impact le plus visible de la pandémie a probablement été, sur le plan de la mobilité, la réappropriation des villes par les piétons et les cyclistes. Ce n’est pas une perception : les données ouvertes de la Ville de Montréal montrent une augmentation de 17 % entre 2019 et 2020 pour le nombre de passages à vélo comptabilisés pour les périodes du 1er mars au 24 juin. À elles seules, les voies actives et sécuritaires ont noté une augmentation de 36 %.
De plus, il est prouvé depuis longtemps qu’un mode de vie physiquement actif contribue à l’augmentation du bien-être et une meilleure santé physique et psychologique. Cela est d’autant plus primordial dans un contexte sanitaire incertain comme nous le connaissons.
Dans un autre ordre d’idée, le vélo à assistance électrique a été identifié, dans une étude sur les tendances techno 2020 de Deloitte, comme un meilleur moyen pour lutter contre les changements climatiques que la voiture électrique. Voilà aussi un aspect à ne pas négliger, et qui pourrait soutenir le changement de parts modales de la voiture vers le vélo.
Et maintenant ?
À court et moyen terme, les défis restent nombreux : des citoyens, moins exposés à la marche et vélo comme moyen de déplacement, seront appelés à changer leurs habitudes de mobilité et rejoindront trottoirs et pistes cyclables déjà fortement encombrés. Des conflits d’usage et de partages des voies publiques font déjà leur apparition et d’autres sont à prévoir.
Dans une ère de déconfinement, où la perte de confiance envers le transport collectif entraîne une baisse d’achalandage, la mobilité active deviendra la clé de voûte pour éviter un retour massif vers l’auto-solo. Il faudra toutefois qu’elle puisse s’adapter à la réalité des différentes saisons, d’un territoire et d’un horaire de vie qui rend difficile l’intégration de nouvelles habitudes de mobilité (ex. étalement urbain, lieu de travail ou de scolarisation éloigné, trajets à multiples arrêts, etc.).
L’accompagnement et la sensibilisation des citoyens dans une transition vers une mobilité plus active deviendront d’une importance capitale pour effectuer ce changement de l’auto-solo vers d’autres formes de mobilités plus durables. Il s’agit d’ailleurs de l’un des sujets d’intérêts du Chantier auto-solo, une table transdisciplinaire de chercheurs coordonnée par Jalon. Un guide à l’attention des décideurs sur les meilleures pratiques d’accompagnement est d’ailleurs en cours de rédaction par les membres du Chantier.
Livraison et flux des marchandises
Au début de la pandémie, il est devenu clair que l’immobilité des personnes a engendré une plus grande mobilité des biens. Le commerce en ligne a explosé, et les commerces locaux, dont plusieurs ont fermé boutique physiquement, ont dû s’adapter à vitesse grand V pour offrir leurs produits et services en ligne.
Cet impact sur les commerçants locaux menaçait d’être fatal pour plusieurs d’entre eux. Parmi les différentes mesures de soutien et relance aux commerces locaux, Jalon a contribué à la mise en place d’un service de livraison écologique à vélo-cargo, en collaboration avec Coop Carbone, les Sociétés de développement commercial, et plusieurs acteurs de la livraison à vélo.
Et maintenant ?
Maintenant que les commerces ont ouvert leurs portes, il faut continuer la transition vers des modèles de livraison de marchandises vertueux sur le plan des conditions de travail, et équitables pour tous les acteurs de la chaîne de valeur (commerçants, livreurs, clients). D’autres projets de livraison avec différents acteurs de l’écosystème, dont les marchés publics, se mettent aussi tranquillement en place.
Pour en savoir plus sur l’initiative de Jalon sur la livraison de marchandises durant le confinement lié à la COVID-19 et les prochaines étapes, consultez notre article sur le sujet.
Mobilité collective et partagée
L’impact de la distanciation sociale et de la pandémie est particulièrement visible sur les transports collectifs et partagés, à la fois dans les grands centres urbains, mais aussi sur le covoiturage courte et longue distance, ainsi que le transport interrégional par autocar.
Partout ici et ailleurs, des baisses de fréquentation allant de 70 % à 90 % dans certains cas, ont été constatées. Comme l’app Transit l’a souligné à juste titre à partir de sondages réalisés auprès de ses utilisateurs, au plus fort du confinement, les transports collectifs étaient principalement fréquentés par les travailleurs essentiels, et principalement par les femmes, les personnes racisées et les travailleurs précaires, et que la majorité d’entre eux dépendaient de ce moyen pour se déplacer et aller travailler. Cela soulève de nombreuses questions sur le rôle de service essentiel que jouent les transports collectifs pour certaines populations et l’importance de financer correctement ce service.
Le déconfinement amène aussi de grands défis, principalement reliés aux craintes sur la sécurité. Aux États-Unis, un grand sondage mené par IBM auprès de 25 000 adultes soulignait que 20 % des personnes interrogées qui utilisaient activement le transport collectif avant la pandémie ne veulent tout simplement plus l’utiliser. Un autre 28 % mentionnait vouloir diminuer leur usage. Le même type de sondage mené par CROP et le journal Métro à Montréal soulignait également que si 41 % des sondés utilisaient le transport collectif avant la pandémie, seulement 26 % songeaient continuer à le faire.
L’autre grand défi est le financement. Dans le cas du transport interrégional, cela représente un écueil imposant : les trajets les plus fréquentés financent les trajets à échelle plus locale. Si la distanciation oblige les trajets plus populaires à fonctionner à perte, ce sont les petites liaisons de transport qui disparaîtront pour certaines régions qui en dépendent grandement.
Et maintenant?
Les mesures sanitaires et de distanciation physique nécessitent la mise en œuvre de stratégies opérationnelles pour limiter la densité dans les transports tout en facilitant la reprise des activités. Pour mieux stimuler de telles solutions (télétravail, étalement des pointes), Jalon travaille avec la Ville de Montréal et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) à un projet de centre de coordination de la mobilité des employeurs. De même, les chantiers liés aux navettes autonomes doivent être modifiés en fonction de la nouvelle réalité sanitaire.
Jalon garde également un oeil sur la question du financement, qui était d’ailleurs au coeur de plusieurs chantiers au cours de l’automne et l’hiver 2019-2020. Des mesures écofiscales pourraient représenter à la fois des solutions pour revoir le système de financement, mais agir comme outil pour favoriser l’usage de modes de transports collectifs ou plus durables.
Données en mobilité
Après l’établissement en mode urgence de plusieurs projets de mobilité à la sauce COVID-19, la pérennisation de projets en mobilité durable devra se baser sur des données probantes, si nous souhaitons assurer une réelle résilience des villes et une planification optimale à court, moyen et long terme.
La Ville de Montréal, via le Laboratoire d’innovation urbaine de Montréal (LIUM) et en collaboration avec d’autres villes dans le monde, a d’ailleurs lancé lors de Movin’On 2020 une communauté d’intérêts sur les données.
C’est ici que la valeur de la plateforme de données en mobilité, portée et développée par Jalon, prend tout son sens. Lancée en 2018, la plateforme prendra un réel envol dans les prochains mois dans le cadre du Défi des villes intelligentes, piloté aussi par le LIUM. Jalon est responsable du développement de l’infrastructure, qui pourra ensuite être nourrie des données et projets provenant des divers partenaires du Défi. Jalon y a aussi contribué, en créant, pour le projet de livraison urbaine et locale, un outil de visualisation et de catégorisation des demandes des commerçants qui souhaitaient participer aux services de livraison.
Et maintenant?
Jusqu’à la fin de 2020, l’équipe Jalon travaille à la mise en place d’outils de valorisation et de visualisation de données de mobilité plus sophistiqués, en collaboration avec plusieurs partenaires, qui permettront entre autres de faciliter la comparaison de données pré et post COVID-19.
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