Jalon a récemment participé aux travaux portés par l’ARTM et Propulsion Québec pour dessiner une « feuille de route vers une offre MaaS ». Au cours de cet exercice, Jalon a apporté son expertise et sa vision pour construire un cadre et un service adapté aux spécificités montréalaises. La réflexion de Jalon a plus particulièrement porté sur la prise en compte et l’intégration des plus petits fournisseurs de mobilité (parfois même startups) dans l’ambition collective du MaaS.
Depuis quelques années, l’acronyme MaaS pour « Mobility as a Service » bénéficie d’une grande popularité et suscite beaucoup d’espoir, voire d’avidité, de la part de nombreux joueurs de l’univers de la mobilité des personnes. Cependant le MaaS doit avant tout être au service des citoyens.
Une plateforme de type MaaS permet de centraliser et de faciliter l’accès à un portefeuille de solutions multimodales, publiques et privées. Elle rassemble donc différents modes de transport, propose les meilleures combinaisons selon le besoin de déplacement et les préférences personnelles, et permet d’accéder à une tarification adaptée avec une solution de paiement et de facturation unique.
Le MaaS doit donc permettre d’entrer dans une nouvelle ère où les voyageurs démunis face à la méconnaissance des offres, au foisonnement des alternatives et à la diversité des titres, disposeront d’un accès simplifié à une offre de mobilité adaptée à leurs besoins.
Un vecteur de changement de pratiques
Ce serait une erreur de limiter le MaaS à cette seule plateforme technologique. Il doit avant tout être un des bras armés d’une ambition collective pour une mobilité plus durable. Il doit soutenir le transfert modal vers des solutions plus vertueuses en encourageant l’autonomie des utilisateurs, des solutions collectives, partagées et actives, et surtout la direction des auto-solistes vers ces alternatives.
Le MaaS doit donc être considéré par les villes comme un vecteur de changement de pratiques et de mise en œuvre de leur politique de mobilité urbaine. À ce titre, il doit être cohérent avec l’ensemble des orientations politiques en termes d’infrastructure, d’aménagement, et d’investissement. Il est nécessaire d’arbitrer les choix économiques en fonction de leurs répercussions sur la mobilité durable (tarification incitative, subventions publiques). Mais cela ne doit pas se limiter aux transports publics. Le stationnement est un service périphérique à la mobilité dont le coût peut être un réel facteur de démotivation pour l’auto-solo.
En plus d’encourager les transferts modaux, le MaaS pourrait même favoriser la réduction des déplacements. Par exemple, en valorisant des services de proximité dans la plateforme (commerces locaux, bureaux partagés, etc.), il permettrait de limiter le nombre, la fréquence ou la distance de certains déplacements. Alors le MaaS affirmerait sa contribution pour une mobilité plus durable et pour une ville plus agréable. Il renforcerait son effet sur la réduction de la congestion urbaine, sur la place accordée à l’automobile sur la voie publique et sur les émissions de GES.
Dans un contexte d’instabilité dû à la pandémie de la Covid-19, la mobilité collective et partagée risque de figurer auprès des grands perdants. L’applicabilité des mesures sanitaires et de distanciation physique est complexe et le niveau de confiance des citoyens en est très affecté. Cela nécessite la mise en œuvre de stratégies de gestion opérationnelle de la densité mais aussi d’information et de réassurance des voyageurs. À ce titre, le MaaS peut être considéré comme un média pertinent pour redonner confiance dans les transports collectifs denses et les modes partagés avec des inconnus. Cette plateforme pourrait permettre un suivi efficace de la demande de déplacement et du remplissage en temps réel des services pour inciter à décaler ses horaires ou à adapter ses itinéraires. De même, la plateforme pourrait mettre à disposition une information actualisée des mesures sanitaires mises en œuvre ou des niveaux de propreté des véhicules pour rassurer les utilisateurs.
Un écosystème montréalais dense et ambitieux
Dans le Grand Montréal, le sujet du MaaS est porté par l’Autorité régionale du transport métropolitain (ARTM). Fort de son rôle, l’ARTM cherche à fédérer autour d’une vision stratégique et organisationnelle en accordant les parties prenantes, publiques comme privées, sur les conditions de réussite de chacun des enjeux identifiés : promesse client, gouvernance, modèle d’affaires, conditions réglementaires, appel d’offres, gestion de la donnée… Au-delà de la feuille de route préliminaire pour la mise en place d’une centrale de mobilité (où le Défi des villes intelligentes contribue à certains livrables), Propulsion Québec, en partenariat avec l’ARTM, l’ATUQ et le LIUM, développe ainsi une « feuille de route vers une offre MaaS » dont le but est d’identifier les conditions gagnantes pour favoriser les projets de mobilité intégrée dans les différents contextes de déploiement québécois.
Lors de ces tables de travail, Jalon a offert son expertise pour définir une vision collective du MaaS, pour préciser les pistes de gouvernances et les rôles des différentes parties prenantes, puis pour recommander des modèles d’affaires et de contractualisation. À chacune de ces occasions, Jalon a aussi joué le rôle de porte-parole des plus petits fournisseurs de mobilité montréalais qui ne pouvaient pas tous être présents. Jalon a donc mis en évidence la valeur, le dynamisme et les spécificités de ces acteurs qui font partie intégrante de l’écosystème local.
Pour mieux identifier cet écosystème, Jalon a réalisé une cartographie de l’ensemble des acteurs de la mobilité montréalaise. Cette cartographie se construit autour de 6 segments distincts.
Sur la partie haute de la cartographie se situent les fournisseurs de mobilité.
- Les opérateurs publics de transport collectif regroupent la STM, la STL, RTL, EXO et le futur REM. Ceux-ci représentent la colonne vertébrale de l’offre de transport montréalaise avec une offre structurante permettant de transporter efficacement un fort volume de voyageurs.
- Les fournisseurs de mobilité partagée sont nombreux, mais de tailles très hétérogènes. On retrouve des offres d’autopartage comme Communauto, Locomotion ou Sauver, des offres de covoiturage comme Netlift, OuiHop’ ou Rekab, des offres de taxi ou de véhicules avec chauffeurs comme Eva ou Uber. À un certain degré, les offres de location d’automobiles ou de prêts d’automobiles comme Turo pourraient également figurer ici.
- Les fournisseurs de mobilité active sont moins nombreux. BIXI est le fer de lance des vélos en libre-service. Les vélos électriques Jump et les trottinettes Bird et Lime sont apparus à l’été 2019 mais ont disparu à la saison estivale 2020. D’autres startups apparaissent également pour encourager la pratique du vélo.
Sur la partie basse de la cartographie se situent les services complémentaires aux fournisseurs de mobilité.
- Les applications de mobilité sont bien sûr des interfaces directes avec les utilisateurs. L’application Chrono de l’ARTM dont la mise en œuvre est déléguée à EXO et l’application Transit App sont les deux champions locaux face aux géants tels que GoogleMaps, Waze et autres Citymapper ou Moovit.
- Les services périphériques à la mobilité comprennent les stationnements publics (Agence de Mobilité Durable) et privés (Indigo, Clic’nPark), les services d’entretien ou de charge de véhicules (vélos, autos), les services additionnels comme les vestiaires (Rinse) ou les équipements digitaux (SmartHalo) pour utilisateurs de mobilité active.
- Les intégrateurs technologiques ne sont pas en interaction directe avec les voyageurs, mais permettent l’opérationnalisation de certaines solutions de transport collectif ou à la demande (Giro) ou d’autopartage (OpenFleet).
Cet écosystème reflète également les premiers pas du MaaS à Montréal. Ainsi les passerelles entre les différents segments de la cartographie existent déjà depuis quelques années. C’est notamment le cas des applications utilisateurs, telles que Chrono et Transit App, qui intègrent déjà les offres des opérateurs de mobilité collective ainsi que des offres de mobilité partagée comme BIXI et Communauto.
Considérer la diversité des offres et des acteurs
Le MaaS doit donc être au service de tous ces fournisseurs de mobilité. L’objectif est de rechercher la complémentarité et l’efficacité de leurs offres pour répondre à la diversité des besoins. La marche ou le vélo ne sont pas en concurrence avec les transports en commun, mais les complètent et les alimentent. De même, les solutions partagées apportent une valeur supplémentaire pour des situations spécifiques, par exemple en cas de contraintes géographiques, temporelles, capacitaires, physiques, etc.
Le MaaS peut même être une source d’information unique pour optimiser la complémentarité et l’efficacité des offres de mobilité. En effet, sur la base d’un encadrement rigoureux de leur utilisation, les données de mobilité issues du MaaS permettront de parfaire la compréhension des besoins de déplacement et des comportements des citoyens. Elles permettront donc d’ajuster l’offre de transport public et d’encourager les offres privées en adéquation avec la réalité.
Au-delà d’un outil d’optimisation, le MaaS peut également devenir un outil d’expérimentation de nouvelles solutions de mobilité. Dans ce cas, la plateforme offrirait différents niveaux d’intégration avec, par exemple, un socle circonstancié pour les acteurs historiques et un accès plus expérimental pour les joueurs plus récents, plus petits et parfois plus incertains. Ce parti pris devrait être clairement identifié auprès des utilisateurs. Mais cela permettrait aux entrepreneurs de démontrer la pertinence et la complémentarité de leurs services sur le territoire en accédant rapidement à un volume d’utilisateurs. Bien sûr, cela nécessiterait des contreparties pour ces jeunes entrepreneurs qui, bénéficiant de cette formidable occasion de visibilité, accepteraient des règles du jeu ou des conditions de revenu différentes.
La vision de Jalon est qu’une telle piste est en totale cohérence avec le dynamisme de l’écosystème de la mobilité durable montréalaise, où l’inventivité des startups ne peut être bridée par la lourdeur potentielle d’une ambition MaaS. Celui-ci ne peut pas être une solution unique et définitive, trop longue à agréer et à développer. Le MaaS doit être une solution itérative qui va s’enrichir petit à petit, et flexible, capable d’intégrer tous les acteurs y compris les startups prometteuses.