La mobilité durable offre d’excellentes opportunités pour appuyer le développement économique et social des communautés québécoises. Elle est incontournable pour penser autrement la mobilité des biens et des personnes en favorisant des modes de transport plus respectueux de l’environnement. Elle propose des façons nouvelles de se déplacer sans négliger l’accessibilité des produits et des services essentiels. Les bénéfices qu’elle apporte à notre société sont nombreux.
Malheureusement, aucune organisation au Québec n’a la responsabilité de gérer la progression de la mobilité durable. Cette approche décentralisée s’en remet essentiellement aux choix des citoyens, des entreprises et des municipalités.
Cette situation problématique explique pourquoi il existe peu d’indicateurs qui suivent la progression de la mobilité durable à travers la province. Sans cette information, comment pouvons-nous établir un bilan de son déploiement et de son adoption? Comment identifier les obstacles à sa progression et les opportunités à ne pas manquer ? Quelle a été la performance réelle des investissements passés ? Et pour le futur, quels sont les investissements à privilégier ? Où trouve-t-on les critères de succès pour déployer l’une ou l’autre des stratégies durables qui ont fait leurs preuves (et éviter celles qui ont échouées) ?
La mobilité est le trait d’union qui permet aux citoyens d’accéder aux biens et services nécessaires et aux entreprises de les produire. Il faut reconnaître sa complexité et se doter d’outils technologiques aptes à en suivre la progression et d’appuyer nos décisions.
Système de gestion de la mobilité durable
Les municipalités québécoises sont bien positionnées pour gérer la mobilité durable sur leur territoire. D’un côté, elles sont responsables de la grande majorité des infrastructures routières de proximité ainsi que de l’aménagement du territoire et de la réglementation applicable. Elles sont par ailleurs des interlocutrices de choix auprès des acteurs de la mobilité (citoyens et entreprises).
En exploitant l’information déjà disponible (données ouvertes) et leurs données internes, les municipalités peuvent développer les fondations de leur système numérique de gestion de la mobilité durable. En créant des indicateurs adaptés à leur réalité, elles ouvrent la porte à des analyses dont les résultats permettront la prise de meilleures décisions afin de mieux servir et d’informer la communauté.
Sources de données et indicateurs
Il existe de nombreuses sources de données facilement accessibles qu’une municipalité peut utiliser pour évaluer le niveau de maturité de la mobilité durable sur son territoire.
Prenons l’exemple des données ouvertes de la Société de l’assurance automobile du Québec. Disponibles sur le Web, elles sont mises à jour régulièrement et couvrent une période historique d’une dizaine d’années. Les données sur les constats d’infraction et les rapports d’accident servent à développer des indicateurs en lien avec la sécurité. Les données qui présentent les véhicules en circulation peuvent alimenter plusieurs indicateurs : nombre de véhicules, leur masse et leur taille, le mode de propulsion utilisé (duquel on peut évaluer le niveau d’électrification sur un territoire donné). Enfin, l’information anonymisée au sujet des titulaires de permis de conduire renseigne sur la démographie des conducteurs de véhicules.
De son côté, le Circuit électrique rend disponible la localisation des bornes de recharge sur le territoire.
Il devient alors facile de développer un indicateur en corrélant les bornes disponibles et le nombre de véhicules électriques dans la zone étudiée. Est-elle bien desservie? Comment se compare-t-elle à d’autres zones comparables ? Est-ce que l’ajout antérieur de bornes est lié à une augmentation de véhicules électrifiés ?
De nombreuses sociétés de transport collectif offrent également des jeux de données utiles au développement d’un tel système de gestion de la mobilité durable. Le nombre et le positionnement des arrêts, les destinations et la fréquence de passage sont des données habituellement partagées de façon ouverte. Est-ce que tous les secteurs sont bien desservis par le service? Peut-on identifier des entraves au développement du transport collectif en raison de l’aménagement actuel du territoire? Comment une zone se compare-t-elle a une autre en termes de disponibilité du service pour les citoyens ?
Ajoutons également que plusieurs autres organisations privées offrent des services de mobilité durable et partagent plusieurs données. BIXI et Communauto sont d’excellents exemples. Cette information permet de mesurer la maturité et la diversité de l’offre de services en mobilité durable pour une zone géographique. Il est à souhaiter que tous les acteurs privés qui œuvrent en mobilité, dont notamment les entreprises de livraison de biens et marchandises, suivent leur exemple.
Les municipalités possèdent également plusieurs données pertinentes qui peuvent être intégrées dans ce système. Toute l’information sur les trottoirs, les pistes cyclables, les infrastructures pour sécuriser les vélos permet de mesurer le potentiel pour la mobilité active et d’en suivre l’évolution dans le temps. Quant à elles, les données qui représentent les infrastructures routières (rues, intersections, feux de circulation, etc.) brossent un portrait général du contexte de la mobilité. Cette information est très utile pour comparer les indicateurs entre deux régions différentes.
Somme toute, il est possible de préparer une première version de ce système de gestion de la mobilité durable en tirant avantage de l’information disponible. Cette approche permet d’éviter les investissements majeurs généralement associés aux projets informatiques complexes.
Opportunités supplémentaires
Avec l’émergence d’un système de gestion de la mobilité durable, plusieurs opportunités supplémentaires s’offrent aux municipalités.
En effet, les indicateurs développés se partagent facilement. Il est ainsi possible de montrer les résultats des efforts réalisés à ce jour, mais aussi de communiquer de nouvelles cibles à atteindre. Une telle transparence est très utile pour mobiliser les citoyens et les entreprises à modifier leur mobilité.
Les données et les indicateurs s’intègrent également dans des outils d’analyse et de visualisation de données. Ceci permet de développer des tableaux de bord dynamiques et de suivre l’évolution des indicateurs. Plusieurs outils commerciaux offrent de telles plateformes de développement. Ainsi, une municipalité pourrait diffuser ce tableau de bord sur son site Web.
Le système de gestion peut aussi être bonifié par l’ajout de données supplémentaires recueillies par la municipalité. En déployant des compteurs de véhicules et de vélos sur son territoire, l’information du système peut alors être analysée sous différents angles, présenter de nouvelles problématiques et offrir de nouveaux apprentissages. Certains sondages réalisés auprès de la population locale peuvent également fournir un éclairage différent et augmenter la valeur du système. Avec une approche respectueuse de la confidentialité, il existe de nombreuses possibilités de cueillette de données desquelles des indicateurs peuvent être dérivés.
La plateforme Jalon
Jalon est une entreprise d’économie sociale créée en 2017 qui a pour mission de provoquer et d’accompagner l’innovation et les changements de pratique pour rendre la mobilité plus durable. Développée avec le soutien financier du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec et du programme Montréal en commun, la Plateforme Jalon est une solution numérique que les municipalités peuvent utiliser pour accélérer la réalisation de leur système de gestion de la mobilité durable.
La Plateforme Jalon est d’abord conçue pour faciliter le partage des données associées à la mobilité québécoise.
Sécurisée, elle offre un environnement technologique qui respecte les sensibilités des organisations qui y stockent leurs données. Elle crée ainsi un climat de confiance qui favorise le partage d’information entre citoyens, entreprises et municipalités.
Pour sa réalisation, Jalon n’a utilisé que des logiciels libres (ce qui réduit considérablement ses frais d’exploitation). Grâce à l’infonuagique, il est simple d’en augmenter la capacité pour traiter davantage de données et servir plus d’utilisateurs.
Plusieurs services numériques y sont déjà disponibles. Outre le stockage et le partage de données mobilité, son API permet à des organisations tierces de tirer avantage de l’infrastructure sécurisée et de développer, à peu de frais, de nouvelles applications. Jalon a d’ailleurs réalisé une application mobile (Androïd et iOS) qui s’adapte à tous les projets numériques mobiles.
Jalon a également développé certaines solutions de visualisation de données. Par exemple, en collaboration avec une équipe de Polytechnique Montréal sous la supervision de la professeure adjointe Geneviève Boisjoly, Jalon a travaillé au développement d’un outil numérique permettant de mesurer l’indice d’accessibilité aux destinations pour les citoyens qui se déplacent à pied.
En terminant, rappelons que la mobilité durable peut prendre plusieurs formes et est très complexe. En s’intéressant à l’univers numérique de la mobilité, une municipalité peut développer son propre système de gestion de la mobilité durable et se doter d’outils nécessaires à mesurer sa progression pour accélérer son développement. La Plateforme Jalon peut accélérer la réalisation d’un tel système.