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Bornes de recharge et véhicules électriques : comment sont-ils perçus par les Montréalais?

L’électrification des transports est une des manières de rendre la mobilité plus durable, soit par la réduction de l’empreinte énergétique du moyen de transport. Depuis quelques années, nous voyons le nombre de bornes de recharge pour véhicules électriques se multiplier sur les routes du Québec. Cependant, la crainte d’un manque d’accès à ces bornes représente l’un des freins à l’adoption de véhicules électriques. 

De quelles façons la perception du développement du réseau de bornes de recharge au Québec par les individus affecte-t-elle leur décision de choisir l’électromobilité? Quelles leçons pouvons-nous en tirer afin d’inciter plus d’individus à délaisser les modes propulsés par l’énergie fossile?

Avec le soutien financier de Jalon via le programme Mitacs Accélération, la recherche de Pénélope Renaud-Blondeau, aujourd’hui conseillère en modélisation à l’‎Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), nous apporte des éléments de réponse.


État de l’électrification des transports au Québec

Dans son Plan pour une économie verte (PEV), le gouvernement du Québec vise l’immatriculation de 1,5 million de VÉ en 2030¹. Cependant, malgré les nombreux efforts pour promouvoir les VÉ, tels que l’implantation du programme Roulez vert (incitatifs financiers) et de la norme véhicules zéro émission, la proportion de ceux-ci dans le parc automobile québécois n’était que de 0,8 % en 2020 (Figure 1). La même année, ils représentaient 6,2 % des ventes de véhicules neufs au Québec². Ces faibles proportions témoignent de la présence de certaines barrières qui conduisent les consommateurs à se tourner vers des achats plus conventionnels.

L’infrastructure de recharge publique, un levier de l’électrification?

Plusieurs recherches ont identifié les facteurs qui peuvent influencer l’intention d’acheter un VÉ. Un de ces facteurs est l’infrastructure de recharge publique. En effet, la présence de bornes publiques contribue à augmenter la confiance des conducteurs de véhicules rechargeables lors de leurs déplacements. De plus, un réseau de recharge public accessible pourrait inciter les consommateurs n’ayant pas accès à un stationnement privé à la maison à s’acheter un véhicule électrique. 

En 2019, 2 000 bornes de recharge publiques étaient réparties sur le territoire québécois. Dans son PEV, le gouvernement du Québec déclare vouloir augmenter, en collaboration avec Hydro-Québec et les municipalités, le nombre de bornes standards publiques à 4 500 d’ici 2028 et le nombre de bornes rapides à 2 500 d’ici 2030 (Gouvernement du Québec, 2020). Il importe maintenant de les déployer avec réflexion afin de maximiser leur utilisation, ainsi que celle des fonds publics et collectifs. 

 

Ce déploiement stratégique requiert une meilleure compréhension de l’influence de l’accessibilité des bornes électriques sur les perceptions et l’intention d’adoption des véhicules électriques par les populations urbaines, d’où l’objectif de cette recherche présentée dans cet article.

 

Méthodologie

Le projet de recherche se concentre sur l’île de Montréal, ce qui permet de prendre en compte les nombreuses différences entre les populations urbaines et rurales ou suburbaines, notamment quant à la culture automobile et à l’accès à un stationnement privé, qui peuvent influencer leur choix modal et leur intention d’acheter un véhicule électrique.

L’étude se base principalement sur des données recueillies par un sondage en ligne visant à dépeindre les connaissances et les perceptions des résidents de l’île de Montréal en regard aux véhicules électriques et aux bornes de recharge publiques et à les lier à des mesures objectives. Le sondage a été partagé sur les réseaux sociaux et à travers de listes de courriel en mai et juin 2020.

Au total, 642 réponses complètes et valides ont été recueillies (100 propriétaires de véhicule électrique, 345 propriétaires de véhicule à essence, 21 propriétaires de véhicule hybride et 176 participants ne possédant pas de véhicule).

 

Les facteurs influençant l’intention d’achat des véhicules électriques des Montréalais 

Les réponses au sondage dévoilent que : 

– Parmi les propriétaires de véhicules électriques, 77 % sont des hommes, 44 % gagnent un salaire de plus de 120 000 $, 94 % ont un diplôme d’études collégiales et 86 % sont mariés ou en couple.

– Les individus attirés vers les nouvelles technologies et ayant une grande conscience environnementale et un entourage composé d’électromobilistes ont davantage l’intention d’adopter la conduite électrique. 

– La performance, l’autonomie et les coûts de recharge perçus sont trois facteurs apparaissant comme importants aux yeux des acheteurs actuels et futurs de véhicules électriques. 

– L’accessibilité objective aux bornes de recharge publiques n’a aucune influence sur l’intention d’achat à l’inverse de l’accès à un stationnement privé, ce qui témoigne d’une certaine méfiance des Montréalais quant à la qualité du réseau de recharge existant et quant à l’achat d’un véhicule électrique sans la possibilité d’installer une borne chez soi.

– L’accessibilité prospective (qui reflète les attentes des citoyens par rapport à l’état du réseau de recharge public dans cinq ans) est un facteur déterminant à l’achat d’un véhicule rechargeable, ce qui suggère un certain intérêt envers la conduite électrique et laisse croire que les bornes publiques pourraient devenir indispensables pour les futurs acheteurs.

– Les variables de perception (les valeurs, la façon dont la performance des véhicules électriques est perçue) ont une plus grande influence sur l’adoption de la conduite électrique que les variables socio-économiques (l’âge, le revenu). 

– Selon certains participants, les bornes de recharge publiques à Montréal ne sont pas assez nombreuses, ne s’intègrent pas toujours bien au paysage urbain, sont implantées sans coordination avec les horaires de stationnement de la  ville et ne protègent pas les utilisateurs en cas d’intempéries. L’absence de services à proximité des bornes publiques et le nombre insuffisant de bornes rapides sont également évoqués.

 

Lorsque la possession d’un véhicule électrique influence la perception d’accessibilité 

– Les propriétaires de véhicule électrique surestiment leur accessibilité aux bornes de recharge publiques : 13 % d’entre eux qui pensent avoir au moins une borne de recharge à moins de 500 m de leur domicile n’en ont pas. 

– Les non-propriétaires de véhicule électrique sous-estiment leur accessibilité aux bornes de recharge publiques : environ 15 % d’entre eux ne sont pas conscients de leur présence autour de leur résidence.

– Les non-propriétaires de véhicule électrique sont plus susceptibles de signaler qu’il n’y a pas assez de bornes de recharge à proximité de leur résidence, ce qui suggère qu’ils manquent d’intérêt ou de connaissances pour les remarquer facilement ou qu’ils s’attendent à un nombre plus élevé de bornes pour considérer l’offre comme suffisante.

– 91 % des propriétaires de véhicule électrique remarquent les bornes de recharge en bordure de rue, alors qu’environ 75 % seulement des non-propriétaires de véhicule électrique les remarquent. 

 

Développement du réseau de bornes de recharge : quels enseignements?

Sur la base des résultats obtenus, il peut être conclu que le financement et le déploiement d’un réseau de bornes de recharge s’avèrent indispensables pour augmenter la proportion de ces véhicules dans le parc automobile privé québécois. En plus d’approvisionner les conducteurs de véhicule électrique en électricité et de les rendre plus à l’aise de se déplacer pendant longtemps, ce réseau suscitera la confiance des acheteurs potentiels de véhicules électriques. Ces bornes devraient être pratiques et visibles pour les conducteurs de véhicule électrique tout en étant esthétiquement agréables pour les acheteurs potentiels et pour éviter de nuire au paysage urbain. Enfin, afin d’attirer des consommateurs qui n’ont pas la possibilité d’installer une borne à leur domicile et de garantir l’équité sociale, les bornes devraient pouvoir remplacer la recharge résidentielle et non seulement la complémenter. 

Des méthodes concrètes pour répondre aux besoins identifiés doivent être développées telles que l’adaptation de la tarification des bornes publiques de façon à convenir à plusieurs types d’usagers ou encore l’amélioration de la conception des bornes afin de teinter les perceptions.

 

Cette recherche a été rendue possible grâce à Hydro-Québec et le Circuit électrique, qui ont fourni des données sur le réseau de recharge public de Montréal.

 

Mitacs Accélération

Le programme Mitacs Accélération de Jalon, en partenariat avec Polytechnique Montréal, et l’Université du Québec à Montréal, finance la recherche académique pour répondre à des questions d’envergure publique quant aux besoins de déplacement des populations, à l’amélioration de la sécurité routière, à la compréhension et la promotion de la mobilité intelligente et de la logistique urbaine verte, tout en favorisant l’intégration urbaine et l’appropriation sociale des technologies. 

Plus d’une douzaine de travaux de recherche ont déjà été financés par Jalon.

 

Sources
¹ Gouvernement du Québec. (2020). Plan pour une économie verte 2030 – Plan de mise en œuvre 2021-2026 (Publication no 978-2-550-86279-6). Québec: Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Tiré de https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/environnement/publications-adm/plan-economie-verte/plan-economie-verte-2030.pdf?1605540555
² AVÉQ. (2020). Statistiques SAAQ-AVÉQ sur l’électromobilité au Québec en date du 31 décembre 2020.  https://www.aveq.ca/actualiteacutes/statistiques-saaq-aveq-sur-lelectromobilite-au-quebec-en-date-du-31-decembre-2020-infographie
³ He, S., Luo, S., et Sun, K. K. (2020). Factors affecting the adoption intention of electric vehicles: The roles of objective, perceived, and prospective accessibility.  https://ssrn.com/abstract=3660754

 

 

Publié le 8 juillet 2021